Fairy Champagne Shower [Alice & Athé]

Assise au comptoir de ce bar très sélect du quartier riche de Nouvelle-Orléans, Athénaïs faisait glisser ses doigts avec lassitude sur le bord de son verre vide. Voilà deux heures que la shérif de la zone 2 de Louisiane avait fait son entrée dans cet endroit luxueux, où de nombreux vampires venaient chaque nuit pour passer un agréable moment en compagnie d’humains ou d’autres vampires de la haute société. Mais détrompez-vous, la belle blonde n’était pas venu pour s’amuser, bien au contraire. Ne faisant confiance qu’à elle-même, Athénaïs avait décidé de venir voir si le Savage Night Club était aussi respectable que la rumeur le disait. Ca oui, depuis quelques temps déjà, elle faisait la chasse à quoi que ce soit qui pourrait ternir davantage l’image de son espèce aux yeux des humains. Son objectif était simple, faire de sa zone la ville la plus sûre de Louisiane. Et c’était loin d’être gagné …

Pourtant cette nuit-là, Athénaïs avait fait fausse route. Non seulement l’endroit était tout à fait dans la légalité et le respect des droits de l’Homme, mais elle le trouvait plutôt agréable, loin des clichés des bars à fangbangers et vampires pervers. Habillée d’une petite robe noire fendue sur la cuisse, et chaussée de hauts talons Louboutin, l’immortelle attirait beaucoup l’attention, non seulement parce qu’elle était belle, mais aussi car elle était seule et ne semblait pas vraiment rechercher la compagnie d’autrui … Ses longs cheveux blonds tombaient en cascade dans son dos, formant de belles boucles dorées sous les lumières tamisées du nightclub. Finalement, Athénaïs se laissait aller à l’ambiance des lieux et se sentait d’humeur à s’amuser. Elle se redressa alors sur son haut tabouret et cessa de jouer avec son verre, faisant signe au serveur de lui en servir un autre. Face à elle se trouvait une magnifique collection de bouteilles, certaines datant de près de 1000 ans et contenant un liquide d’un rouge pur et profond. Cependant, elle tâcha de rester raisonnable et se contenta d’un simple verre de sang d’humain consentant élevé au soleil … Relevant la tête, elle prit enfin la peine de jouir pleinement de l’atmosphère. La musique était douce et sensuelle, le bruit ambiant était faible, chacun semblant se soucier du bien-être d’autrui. Puis, elle se tourna et remarque qu’une vampire aux traits de jeune fille en fleur venait de s’adosser au comptoir. Elle la fixa quelques instants, comme fascinée par ce visage si angélique mais dont le regard paraissait en dire beaucoup plus.

- Avec l’âge, on oublie parfois combien il est important de prendre du bon temps … Dit-elle d’une voix douce. On oublie même comment s’y prendre …

Ses derniers mots résonnaient comme un soupir. Parfois la mélancolie rattrapait la belle vampire, souvenirs de sa vie d’humaine, de ses êtres aimés et perdus, brutalement … Et quand bien même elle souhaitait rire, danser, chanter, c’était comme si ces choses-là lui étaient interdites, plus de son âge.

- Que venez-vous chercher ici ? Pardonnez-moi, je suis curieuse … Souffla-t-elle dans un petit rire.

Une autre nuit, qui signifiait pour Alice de nouvelles heures de travail. Alors qu’elle était supposée travailler à Shreveport, elle avait été une nouvelle fois désignée pour effectuer un remplacement à l’hôpital de la Nouvelle-Orléans, ce qui ne l’enchantait guère. Cela signifiait un long trajet, suivi de nombreuses heures passées dans un établissement réellement insalubre pour un hôpital. Si elle avait été humaine, jamais elle n’aurait accepté de se faire soigner dans un endroit pareil, de crainte de ressortir plus malade encore qu’elle y était entrée. Ceci dit, elle n’avait malheureusement pas d’autre choix que celui d’accepter, en espérant que ce genre de choses ne se reproduise pas souvent. Elle avait donc passé une bonne partie de la nuit à remplir ses fonctions habituelles, souvent répétitives et épuisantes, mais qui au moins l’empêchaient de trop penser. L’occupation était le seul moyen qu’elle avait trouvé pour maintenir un certain équilibre, empêcher son double imaginaire d’intervenir trop souvent, et surtout, éviter les crises de schizophrénie. Ce n’était peut-être pas idéal, mais c’était en tout cas efficace et tant que cela fonctionnait, elle ne voyait pas de réelle raison de changer de méthode, du moins pour le moment.

Enfin, elle vit la fin de sa garde arriver. Enfin elle allait pouvoir rentrer chez elle et profiter un peu de son temps libre. Ce ne fut que lorsqu’elle arriva jusqu’aux vestiaires du personnel pour se changer qu’elle réalisa à quel point elle avait faim. Or, dans ces moments, elle savait qu’elle était particulièrement vulnérable, et ce malgré son âge plutôt avancé. La faim était source de bien des tentations, et elle préférait ne pas prendre le risque d’y céder. L’envie de rentrer chez elle fut cependant la plus forte. Après tout, elle pouvait bien se permettre en patienter un peu jusqu’à ce qu’elle arrive à Bon Temps. Au pire elle s’arrêterait à Shreveport pour en acheter en route. Décidée, elle se changea rapidement, prit ses affaires et quitta l’hôpital. Puis, elle monta en voiture et démarra. Pour rentrer, il lui fallait traverser les quartiers riches de la ville. Alors qu’elle roulait tranquillement, son regard tomba sur la façade d’un bar luxueux qu’elle avait déjà repéré à plusieurs reprises. Prise d’une soudaine impulsion, elle se gara un peu plus loin et entra dans l’établissement avec l’intention de commander simplement à boire et de partir. Elle ne fréquentait pas vraiment ce genre d’endroit, mais elle devait admettre que celui-ci était plutôt plaisant, bien loin du Fangtasia qui ne correspondait en rien à ses goûts. Contrairement à ce que laissait présager son nom, le Savage Night Club semblait être un lieu parfaitement tenu et obéissant à une certaine éthique. La clientèle semblait pour la plupart issue de la haute société et malgré le fait qu’elle avait l’habitude de s’habiller avec un certain soin, Alice sentait qu’elle détonnait quelque peu. Cependant, elle n’était guère du genre à se soucier de son image et s’approcha du bar. C’est à ce moment que son regard croisa celui d’une vampire dont la beauté et l’élégance ne pouvaient passer inaperçues, même parmi une telle assemblée. Sans que l’infirmière comprenne pourquoi exactement, cette dernière s’adressa à elle sur un ton mélancolique.

« Vous avez raison, et sans doute cela est-il un tort... »

Ces paroles étaient sorties seules et elle ignorait si elle aurait dû répondre. Peut-être n’avait-elle aucune envie de faire la conversation et n’avait-elle dit cela que pour elle-même. Cependant, la question suivante de la belle inconnue ne laissait aucun doute: c’était bel et bien à elle qu’elle s’adressait.

« Je pensais simplement y trouver de quoi me nourrir, mais je crains de ne pas faire partie de la clientèle habituelle de cet endroit. » Elle en était presque gênée à présent, alors que quelques secondes auparavant, cela lui était égal.

La jeune vampire s’était exprimée d’une voix douce et sereine, contrastant avec son attitude plutôt nerveuse en raison de la faim qui l’habitait. En simple réponse, Athénaïs lui avait sourit avec toute la franchise du monde. La belle blonde n’était pas du genre à se forcer à être polie, à faire la conversation parce qu’il le fallait, et non parce qu’elle en avait envie. Ainsi, si l’immortelle vous adressait la parole sans réelle raison apparente, vous pourriez vous sentir plutôt flatté par cette délicate attention … Néanmoins, son interlocutrice ignorait tout d’elle, et la seule réaction qu’elle perçut sur son visage juvénile fut l’étonnement. La surprise que quelqu’un s’adresse a elle, dans un endroit qui lui était tout à fait inconnu. Et cela plaisait à Athénaïs. Le naturel et la spontanéité des réactions de la jeune vampire changeaient la shérif de ses habitudes et de ses relations très « surfaites » avec ses gardes … Il ne fallut pas plus de quelques secondes à Athénaïs pour analyser les odeurs que portait celle qui se trouvait tout près d’elle. Un mélange de sang humain et de produits aseptisants , le cocktail si caractéristique du personnel hospitalier … Une médecin ? Une infirmière ? Elle ne tarderait pas à le savoir.

A sa deuxième question, l’inconnue lui répondit avec plus d’aplomb, comme enfin persuadée qu’elle était le sujet de cette conversation.

- Je ne peux pas dire que je sois une habituée, moi non plus. Mais où est le mal ? Sentez-vous que votre présence est non désirée en ces lieux ? S’inquiéta la shérif.

Puis, sans attendre sa réponse, Athénaïs fit signe au serveur de s’approcher.

- Cette demoiselle a extrêmement soif. J’ignore son groupe sanguin … Avoua t-elle, résignée à laisser la vampire commandé son verre elle-même.

Le serveur tourna alors son attention vers la jolie et jeune vampire, lui adressant un sourire des plus larges.

- Que buvez-vous, mademoiselle ? Quelque chose me dit que vous aimez le négatif … Lança-t-il avec culot et respect à la fois.

Une fois sa commande effectuée, Athénaîs reprit la parole pour enfin se présenter en bonne et due forme.

- Je me prénomme Athénaïs. Je suis shérif de cette ville. Déclara-t-elle d’un ton neutre. A qui ai-je l’honneur ?

Alice était loin de se sentir à son aise. Elle fréquentait très rarement les bars dédiés aux vampires, ayant sans doute tendance malgré elle à les associer au Fangtasia, lieu qui lui déplaisait fortement. Quant à celui-ci, elle devait bien admettre qu’il n’avait rien d’un lieu de débauche, mais elle ne pouvait s’empêcher de se sentir décalée par rapport à l’apparence de ceux qui s’y trouvaient. Néanmoins, elle souffrait de la faim et n’avait aucune envie d’attendre d’être rentrée chez elle pour pouvoir la satisfaire. Elle fut d’autant plus surprise qu’une si belle vampire s’adresse à elle, elle qui se sentait presque insignifiante au milieu d’une telle population. Il lui fallut quelques secondes avant de déterminer si cette mystérieuse inconnue lui parlait uniquement par ennui, sans réellement faire attention à elle, ou si au contraire elle l’interrogeait réellement. Lorsqu’elle fut certaine qu’elle cherchait bel et bien à entamer la conversation, elle se sentit un peu plus à l’aise. Elle regarda autour d’elle. En effet, nul ne semblait la regarder comme si elle était indésirable. Au contraire, on lui accordait autant d’attention qu’à n’importe quel autre client présent. Elle laissa échapper un léger sourire.

« A vrai dire, non, mais il est vrai que je n’ai pas l’habitude de fréquenter ce genre d’endroit. »

La belle inconnue attira alors l’attention du serveur afin qu’il lui serve à boire. la répartit de celui-ci eut le mérite de la détendre tout-à-fait.

« En effet, vous êtes doué. Un B négatif, s’il vous plait. » Elle lui adressa un sourire poli tandis qu’il lui répondait. « Je vous apporte ça tout de suite, mademoiselle. »

Une fois qu’elle eut commandé, Alice se rapprocha de l’inconnue, qui se présenta à elle. Elle ne put dissimuler sa surprise lorsqu’elle lui annonça qu’elle était shérif et lui donna son nom à son tour.

« Alice Price. Je suis enchantée de faire votre connaissance. » Elle indiqua d’un signe de tête le siège qui se trouvait près d’Athénaïs. « Puis-je m’asseoir? »

Il était fort rare qu’elle fasse de nouvelles rencontres, encore plus dans un bar. Habituellement, elle se montrait plutôt méfiante, d’autant plus lorsqu’il s’agissait d’individus possédant une certaine autorité. Néanmoins, elle trouvait cette vampire plutôt sympathique et elle ne pouvait se rappeler la dernière fois qu’elle avait engagé une conversation ainsi, en toute simplicité et sans se soucier des conséquences que cela pourrait engendrer si jamais son interlocuteur venait à trop en apprendre à son sujet.

Un léger sourire illumina le visage de son interlocutrice, qui semblait quelque peu gênée par la situation. S’il y a avait bien quelque chose qu’Athénaïs ne redoutait pas, c’était le contact avec les autres. Engager une conversation, rencontrer des inconnus … Elle aimait ça. C’était pour elle une façon de s’ouvrir au monde, de rester en contact avec la population pour ne pas perdre pied, pour ne pas perdre son humanité. Alors quand elle vit l’inconnue sourire en constatant que le club était tout ce qu’il y avait de plus chaleureux, elle lui répondit à son tour d’un sourire bienveillant. Amusée par le serveur, elle semblait enfin décidée à prendre ses aises, même si la tension restait perceptible dans son regard. Sans se faire prier, elle commanda du B négatif avant de se rapprocher de la vieille vampire. Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu’Athénaïs évoqua ses fonctions de shérif ! Il faut dire que cette-dernière était plutôt avenante et tout simplement gentille, adjectifs qu’il était rare d’utiliser pour parler d’un shérif …

Puis, l’autre vampire se présenta enfin. Alice Price. Athénaïs n’avait jamais entendu ce nom auparavant, pourtant elle connaissait presque tout ceux des vampires sur ses terres. Alice devait surement être de visite à la Nouvelle-Orléans, ce qui pourrait expliquer en partie sa gène.

- Bien-sûr ! S’exclama Athénaïs. Asseyez-vous donc ! Nous avons toute la nuit devant nous.

La belle blonde laissa échapper un petit rire. C’était vrai, après tout, qu’avait-elle d’autre à faire cette nuit-là ? Ses plans étaient tombés à l’eau, ce club était aussi légal que possible, et la perspective de rentrer chez elle, dans sa vide et grande villa ne l’enchantait pas vraiment. Athénaïs pivota sur son haut tabouret et se positionna face à son interlocutrice. Le coude sur la table et la tête appuyée sur sa main, elle reprit la parole :

- Alors, racontez-moi ! Que faites-vous dans la vie ? De toute évidence, vous n’êtes pas d’ici.

Le serveur réapparut juste quand Alice eut fini de lui répondre. Avec délicatesse, il posa le verre en crystal devant elle.

- Du B négatif, fraîchement tiré ce matin d’un mexicain passant des heures et des heures au soleil tous les jours. Vous m’en direz des nouvelles !

Une véritable expression d’enthousiasme était lisible sur le visage du serveur. De toute évidence, ce-dernier aimait son boulot et le plaisir de ses clients faisait partie de ses préoccupations premières !

Athénaïs ne put s’empêcher d’éclater de rire. Elle savait cette pratique tout à fait légale, dans la mesure où le mexicain en question était consentant. Le plus drôle, c’était surement qu’Alice s’attendait à recevoir du TruBlood, ce sang synthétique que bon nombre de vampires avait pris l’habitude de boire. La belle blonde laissa le temps à Alice de boire une première gorgée avant de lui lancer, aussi impatiente et enthousiaste que l’était le serveur.

- Alors ? Verdict !

Athénaïs semblait bien décider à prendre du bon temps cette nuit-là ...

Il était fort rare qu’Alice accepte de s’amuser, ne serait-ce que quelques minutes. A ses yeux, le danger n’était jamais loin et elle devait donc sans cesse faire preuve d’une extrême prudence. D’une certaine manière, elle se punissait, par dégoût pour ce qu’elle était et surtout, pour ce qu’elle était capable de faire. Il lui aurait suffi de perdre la tête pour provoquer un véritable massacre auprès des malheureux êtres humains qui croiseraient éventuellement sa route. Elle n’était pas un ange, non. Elle était une vampire et par conséquent sa moralité était quelque peu différente de celle des mortels, mais ce n’était pas pour autant qu’elle vivait bien ce côté particulièrement sombre de sa personnalité. Se trouver dans ce bar à l’ambiance chaleureuse et raffinée lui semblait particulièrement déroutant, mais enfin elle put se détendre grâce à la vampire qu’elle venait tout juste de rencontrer, et aux plaisanteries du serveur qui la mirent plus à l’aise. Et puis après tout, pourquoi ne s’amuserait-elle pas un peu pour une fois? Elle passait le plus clair de son temps à travailler, ou bien seule chez elle à jouer du violon. Elle tenta d’oublier la manière dont réagirait très probablement Athénaïs si elle apprenait ce dont elle était capable et s’assit près d’elle.

Elle s’accouda au bar, tentant d’oublier la sensation de faim qui se faisait grandissante au fur et à mesure qu’elle voyait les clients de l’établissement se nourrir avec délectation. Elle se tourna vers la belle vampire avec un sourire.

« Je vis à Bon Temps et je suis infirmière. Habituellement, je travaille à l’hôpital de Shreveport, mais il m’arrive d’effectuer quelques remplacements à la Nouvelle-Orléans. »

Elle allait lui poser une question, quand le serveur apparut avec sa commande. En entendant ses paroles, elle écarquilla les yeux de stupeur, ce qui devait paraître assez comique. Elle eut néanmoins la présence d’esprit de lever les yeux vers lui afin de lui répondre.

« Je vous remercie. »

Presque hypnotisée par le contenu du breuvage, elle dut se contenir pour ne pas se jeter dessus et l’avaler d’un coup. Au lieu de cela, elle attrapa le verre délicatement et en avala une gorgée. Décidément, cela n’avait absolument rien à voir avec le sang synthétique. Celui-ci était nourrissant à souhait, extrêmement goûteux, et même légèrement épicé : tout ce qui plaisait à la jeune vampire. Elle se tourna vers sa compagne, l’air ravi.

« C’est absolument délicieux. Je ne parviens pas à me souvenir de la dernière fois où j’ai pu boire quelque chose de semblable. »

Ce n’était qu’un demi mensonge. Certes, depuis la Révélation, elle avait bu bien autre chose que du Tru Blood, mais ce n’était à chaque fois qu’un acte purement animal, instinctif et cruel, l’expression d’une profonde violence. Cette fois-ci, c’était avec la plus grande délectation qu’elle dégustait ce délicieux breuvage. Elle prit quelques gorgées supplémentaires, afin de satisfaire sa faim, puis se tourna vers la shérif.

« Venez-vous souvent ici? Vous semblez bien connaître cet endroit. »

Bien sûr, ce n’était qu’une supposition, dû à l’aisance que semblait avoir Athénaïs dans ce lieu, mais il était possible qu’elle se trompe totalement.

Etonnement, Athénaïs ne fut pas surprise par la réponse de la jeune femme. Après environ 1000 ans d’existence, il devient plutôt aisé de cerner les gens dès les premières secondes d’une rencontre. Ce qu’avait perçu la vampire blonde, c’était le regard anxieux de son interlocutrice. Elle avait un esprit torturé, tourmenté, elle le ressentait. Alice cachait de lourds secrets, et Athénaïs l’avait compris. Mais ce qui avait le plus frappé la shérif, c’était cette douceur dans sa voix, cette bienveillance qui émanait d’elle à chacune de ses paroles. Alors lorsqu’elle apprit qu’elle travaillait en tant qu’infirmière, Athénaïs accueillit la nouvelle d’un sourire admiratif et d’un regard qui disait « Je l’aurais parié ». Tant bien que mal, Alice avait tenté de garder son calme, de ne pas paraitre aussi affamée qu’elle l’était. Doucement, elle but une gorgée et son visage s’illumina. Satisfaite, Athénaïs admirait la vampire, enfin délivrée de la soif qui l’habitait. Lorsqu’Alice rendit son verdict, devant le regard impatient du serveur et d’Athénaïs, cette-dernière frappa silencieusement et frénétiquement dans ses mains, telle une enfant à qui l’on vient d’annoncer un voyage à Disneyland.

- Vous avez bon goût ma chère ! S’exclama-t-elle avec enthousiaste. Il est vrai que les vampires ont de moins en moins l’occasion de goûter à de tels sang, légalement … Mais rassurez-vous, on ne sait apprécier les bonnes choses que lorsqu’on y goûte avec raison, c’est là tout l’intérêt d’être un vampire civilisé !

Athénaïs lui adressa à nouveau un clin d’œil amical. Elle se rappelait de l’époque où elle n’était qu’une vampire sans foi ni loi, vidant de leur sang tous les pauvres humains qu’elle croisait. A cette période là, tous ces breuvages avaient le même goût pour elle, et à force, elle ne ressentait même plus de plaisir à se nourrir, seulement à tuer et à rependre le chaos. Triste constatation n’est-ce pas ? Heureusement les temps changent et les gens évoluent, enfin certains … Et Athénaïs faisait partie de ceux qui s’étaient entièrement repentis. Avec l’âge et l’expérience, elle avait acquis en sagesse et savait mesurer la valeur de chaque gorgée de sang humain qu’elle prenait, en toute légalité.
Sa soif épanchée, Alice s’interessa davantage à son interlocutrice et la questionna sur ses habitudes …

- Oh détrompez-vous ! Lui dit-elle en riant doucement. Je n’étais jamais venue ici auparavant, j’avais seulement entendue dire que c’était un club d’exception pour la communauté vampirique.

Elle s’arrêta et rappela le serveur d’un geste. En attendant qu’il arrive, elle reprit :

- En bonne shérif que je suis, j’ai voulu venir vérifier par moi-même si les lieux étaient aussi irréprochables qu’on le disait. A présent j’en suis convaincue, et ma nuit de travail se transforme doucement en une nuit fort agréable, en très bonne compagnie.

Le serveur de retour, il s’empressa de demander ce qu’il pourrait faire pour ces deux belles vampires.

- Auriez-vous quelque chose de moins ordinaire que du sang de mexicain ? Nous aimerions un breuvage qui sorte du commun, voyez-vous ce que je veux dire ?

Athénaïs avait une idée derrière la tête dont elle ne pu s’empêcher de se délecter à l’avance.

- Je vois très bien mademoiselle. Lui répondit-il avec aplomb. Souhaitez-vous la carte des prix ?

Un peu gênée de devoir parler d’argent devant Alice, Athénaïs se pencha légèrement sur le comptoir et glissa sa carte bancaire dans une des poches du costume du serveur. Elle le gratifia d’un sourire qui en disait long sur son désir de garder le silence sur sa fortune personnelle. Lorsque l'on accumule autant d’années de travail, les problèmes d’argent ne sont plus vraiment d’actualités, vous comprenez bien …

- Étonnez-nous ! Lui lança-t-elle avant qu’il s’éloigne en direction de la cave sous haute-surveillance du club.

Puis, elle se tourna enfin vers Alice et posa sa main sur son épaule, comme pour la rassurer.

- Vous allez voir, vous n’allez pas regretter d’être venue !

La soirée d’Alice avait soudainement pris une tournure inattendue. Elle qui d’ordinaire se complaisait dans une certaine forme solitude et surtout ne fréquentait jamais ce type d’endroits, se trouvait aujourd’hui dans un bar dédié aux vampires, en train de discuter amicalement avec une shérif qu’elle connaissait à peine. Ceci ne lui ressemblait absolument pas, mais n’en était pas moins agréable. Cela lui faisait oublier, l’espace d’une soirée, ce contre quoi elle luttait chaque jour. Elle soupçonna rapidement la belle Athénaïs d’être réellement perspicace. Elle ne sembla même pas étonnée lorsqu’elle lui apprit quel était son métier. La jeune infirmière était pourtant habituée aux réactions de surprise lorsqu’elle annonçait sa profession. Il est vrai que travailler au sein d’un hôpital était bien peu orthodoxe pour un suceur de sang, au point que même la Reine s’en était préoccupée. Mais elle ne voulait plus songer à ce qui pouvait la préoccuper, pas ce soir en tout cas. Et puis, comment avoir en tête des choses si désagréables alors qu’elle avait la possibilité de goûter un breuvage si délicieux? Lorsqu’elle donna son opinion à la belle blonde, sa réaction fut pour le moins enthousiaste.

« Si vous saviez! Je ne parviens plus à me souvenir de la dernière fois où j’ai pu goûter un pareil breuvage. »

Lorsque le serveur lui avait annoncé quelle était la provenance de ce sang, elle avait craint que celui-ci ne la rende folle, déclenchant l’irrésistible envie d’en avoir plus, beaucoup plus. Mais la manière dont elle le dégustait n’avait rien à voir avec ses impulsions habituelles, purement animales et instinctives, lorsque le but était uniquement de tuer en buvant à la source. Cette fois-ci elle se sentait rassasiée avec seulement quelques gorgées, et dégusta son verre avec le plus grand plaisir jusqu’à la dernière goutte. Elle se demanda si Athénaïs se serait montrée si amicale si elle avait su ce que cachait réellement le visage de poupée d’Alice. Elle savait qu’il lui faudrait faire attention, après ce soir. La shérif était peut-être amicale à présent, mais elle le serait sans doute beaucoup moins si elle parvenait à la percer à jour.
Elle écouta les explications de sa nouvelle compagne, qui contrairement à ce qu’elle avait cru, affirma n’avoir jamais mis les pieds dans cet endroit avant ce soir.

« Il est vrai qu’il est exceptionnel. Je passe souvent devant, et il ne me serait jamais venu à l’idée que cet endroit puisse ressembler à ça. »

Il faut dire que le seul modèle qu’elle possédait était celui du Fangtasia et les seuls autres bars dans lesquels elle était jamais entrée y ressemblaient fortement. Ici, elle se trouvait dans un lieu raffiné, bien différent de ceux qu’elle fréquentait habituellement, y compris le Merlotte’s où elle passait régulièrement.
C’est alors qu’Athénaïs interpella le serveur, lui demandant de les surprendre avec quelque chose de réellement exceptionnelle. Elle se sentit un peu gênée en voyant la vampire lui donner sa carte, mais cette dernière avait l’air si sûre d’elle qu’elle décida de ne pas émettre la moindre protestation, ne désirant pas se montrer vexante. Au contraire, elle afficha un sourire radieux, convaincue par l’enthousiasme de sa compagne.

« Tout ceci me rend curieuse, le sang mexicain me semblait déjà bien exceptionnel après des années de Tru Blood. »

Elle ne tarderait pas à le savoir. Bientôt, elle vit le serveur réapparaître avec deux nouvelles coupes contenant un sang dont l’odeur l’enchanta, même à distance, une odeur qu’il lui sembla reconnaître, sans vraiment oser y croire. Elle se tourna brusquement vers la shérif, les yeux écarquillés.

« Ce n’est tout de même pas... »

Pour le plus grand plaisir d’Athénaïs, Alice semblait apprécier les bonnes choses et semblait disposée à passer cette nuit en compagnie d’une inconnue. Qu’à cela ne tienne ! Sérieuse et ordonnée, il arrivait parfois que la shérif se retrouve sans rien à faire, même pas quelques vampires à qui botter les fesses. Dans ces cas-là, elle passait ses nuits seule chez elle, parfois en compagnie d’humains très honorés de pouvoir partager le lit de la belle blonde. Lorsqu’on est aussi âgée qu’Athénaïs, beaucoup d’émotions disparaissent sans même qu’on s’en rende compte. Depuis combien de temps la vampire n’avait-elle pas passé une nuit de folie, sans parler de massacres, seulement de l’amusement pur et dur, de l’innocence et des rires, encore des rires … ? Et bien, aussi loin que ses souvenirs remontaient, pas depuis une centaine d’années.

L’infirmière semblait enfin se détendre peu à peu, prête à profiter de cet instant d’exception en ces lieux si propices à la relaxation et à l’évasion. Après avoir expliqué à Alice la raison de sa venue, Athénaïs se rendit compte qu’elle était loin d’être la seule à considérer les bars tels que le Fangtasia comme des endroits glauques où se retrouvent les vampires et humains les plus instables … Qui pourrait avoir envie de passer une soirée aussi miteuse ? Surement pas la shérif, et apparemment, Alice non plus. Perchée sur son haut tabouret, Athénaïs ria doucement tandis qu’elle croisa ses jambes avec grâce.

- C’est vrai que l’on est loin de l’ambiance morbide et perverse du Fangtasia ! S’exclama-t-elle, sans prêter attention aux oreilles qui pourraient traîner …

Même si Athénaïs n’avait jamais vécu à Bon Temps, le Fangtasia était connu par tous les vampires de Louisiane, que cela soit en bons comme en mauvais termes … Elle ne s’y était encore jamais rendue, mais cela n’allait tardé … Eric Northman, autre infant de Godric, en était le gérant. En d’autres mots, il était son frère, et elle l’aimait autant qu’elle aimait son créateur. Pourtant, leurs différences les déchiraient souvent, à un tel point qu’ils ne se voyaient que très rarement, simplement pour éviter les querelles. Mais après tout, quoi de plus normal pour une fratrie ? Toujours est-il que les deux vampires pourraient donner leur vie pour l’autre, et même si Athénaïs avait beaucoup de mal à supporter sa progéniture Pamela, elle s’était promis qu’elle ferait l’effort de lui rendre visite au Fangtasia … La vie est faite de compromis, n’est-ce pas ? Alors oui, elle respectait Eric plus que tout, mais non, elle n’allait pas se gêner à dénigrer ce bar miteux dont il gérait les affaires. Son frère méritait beaucoup mieux, et ceci n’était pas à sa hauteur …

Tandis qu’Athénaïs avait rappelé le serveur, elle sentit Alice se tendre quelque peu. Au premier abord, elle crut que c’était une histoire d’argent, surement que la jeune infirmière n’avait pas l’habitude d’assister à de telles transactions. Soit … Néanmoins, elle ne le montra pas le moins du monde, et son visage était illuminé par un sourire resplendissant. Le serveur avait disparu de nouveau, et Alice ne put s’empêcher de questionner la shérif …

- Oh oui, je vous comprends. Lui répondit-elle, tout à fait sincère. Mais si vous saviez … Il y a tellement plus délectable et rare … Des sangs exceptionnels, dont on a rarement l’occasion de goûter. En toute légalité, j’entends …

Ah ça, Athénaïs le gardait toujours en tête. Pas question de faire un écart de conduite avec le poste qu’elle occupait. Certes il y avait qui ne sa gênait absolument pas pour prétendre faire respecter les lois et par derrière, les transgresser autant qu’ils le pouvaient, mais ce n’était pas le cas d’Athénaïs. Du sang de fée. Bien sûr leurs droits n’apparaissaient pas encore comme ceux des vampires, mais pour autant, elle n’oubliait pas qu’elles restaient des créatures aussi respectable que tout autre … Leur voler leur sang serait intolérable. Au retour du serveur, le visage d’Alice exprima toute sa stupeur. Elle avait compris, surement avait-elle du déjà en goûter … Elle prit la parole, et le serveur la coupa presque en chantant :

- Deux coupes de sang de fée centenaire !

Les yeux écarquillées, Alice était dans l’incompréhension al plus totale. A vrai dire, il n’y a pas si longtemps de cela, Athénaïs aurait été aussi étonnée d’apprendre que l’on pouvait servir un tel sang des les commerces de Louisiane … Enthousiasmée par la réaction de l’infirmière, Athénaïs se mit à rire à nouveau.

- C’est incroyable, n’est-ce pas ?! Lui lança-t-elle tout sourire. Merci à vous. dit-elle à l’intention du serveur tandis qu’il posa les coupes face aux deux vampires.

Puis, il repartit en direction d’autres clients, laissant Athénaïs et Alice en tête à tête. Pendant quelques secondes, la shérif se contenta de contempler ce rouge si profond, si lumineux. Elle se délecta de son odeur, prenant le temps d’en sentir chaque nuance.

- Cette fée est très généreusement payée par le propriétaire du club. Affirma-t-elle à l’intention d’Alice. Il lui assure aussi la protection vampirique dans toute la Louisiane. En revanche, elle n’a plus aucun contact avec ceux de son espèce. Ils n’acceptent pas qu’elle fasse cela, ils l’ont rejeté. Mais c’était son choix. Elle l’a fait en toute connaissance de cause, c’est cela le libre-arbitre.

Elle conclu ses mot par un sourire. Son regard était confiant, elle voulait d’une part rassurer Alice, qui aurait très bien pu se poser beaucoup de questions concernant ce sang. Mais elle voulait également lui montrer qu’elle n’était pas ce genre de shérif crapuleux et corrompu, pour qui la sécurité de la population de sa zone importait peu. Non, elle se renseignait sur tout, vérifiait que chaque procédure était faite comme elle le devait. Elle était intransigeante sur le respect d’autrui, et le revendiquait. Son visage reprit une expression plus légère tandis qu’elle s’empara de la coupe de sang. Lentement, elle le leva en direction de son interlocutrice, prête à trinquer.

- A notre rencontre. Lui dit-elle dans le blanc des yeux.

Avec grâce, elle porta la coupe à ses lèvres et en bu une infime gorgée. Une explosion de saveur envahi sa bouche et la chaleur du sang coula le long de son œsophage. Les paupières fermées, elle garda le silence et profita de cet intense moment de jouissance. La première fois qu’elle avait goûté du sang de fée, c’était en compagnie d’Aleksandr, et autant vous dire que la fée en question n’a pas eut le temps de faire sa dernière prière. Ah qu’il était loin le temps où Athénaïs tuait de sang froid … Pourtant, elle ignorait beaucoup d’Alice et doutait que son sevrage soit aussi lointain que le sien. Peut-être que lui offrir un tel sang était une mauvaise idée … Il ne manquerait plus qu’elle perde les pédales et devienne folle.

Un peu inquiète, Athénaïs rouvrit les yeux, l’esprit comme enfumé par ce sang qui s’apparentait pour les humains à un champagne d’une valeur inestimable et d'un âge très grand. Elle plongea son regard dans celui de l’infirmière et lui demanda d’un ton maternel :

- Tout va bien ? Buvez doucement.

**Contenu sponsorisé**

» Partners in crime [Baty & Athé] Terminé
» Alice in Horrorland
» Alice Jane Price
» silver it's bullshit ; ft Alice
» Par une jolie nuit tiède -Alice-

Fairy Champagne Shower [Alice & Athé]

Fairy Champagne Shower [Alice & Athé]

Sujets similaires

Sujets similaires